PÉRENNITÉ ET AMBITIONS ENVIRONNEMENTALES – À partir de mon travail de chercheur, la recherche pris pied au sein de l'atelier et s'y développe, notamment avec et autour du Mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette, qui posait de nombreuses questions techniques et architecturales, s'agissant de construction et de pérennité, puis avec le projet pour la Cité des électriciens nécessitant des recherches en termes énergétiques et environnementaux, accompagnés par EDF, mais aussi sur la question du recyclage et de l'emploi des matériaux bio-sourcés. Le territoire du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, protégé au titre du patrimoine mondial en tant que "patrimoine culturel évolutif et vivant", est devenu aujourd'hui un espace de recherches et d'expériences architecturales croisées pour notre atelier, une recherche soutenue par la Caisse des Dépôts et partagée avec l'IPRAUS, l'ensa-Paris-Belleville et l'ensap-Lille.
La recherche développement est indispensable à l'ambition d'excellence, elle nourrit les questionnements tant constructifs qu'environnementaux développés au fil des projets et des réalisations. À tel point que depuis 2018, un pôle de recherche a été mis en place sous la direction de Lucas Monsaingeon, doctorant au sein de l’EUR Humanités, Créations, Patrimoine, laboratoires MRTE (université Cergy Paris) et LéaV (Ensa Versailles).
La recherche par le projet au sein de l’atelier se nourrit des aller-retours entre pratique professionnelle et recherche académique. Cette hybridation permet de prendre du recul sur des questions de société qui parfois dépassent le cadre de la seule maîtrise d’œuvre : l’architecte ne pourra y répondre de façon satisfaisante que lorsqu’il aura reformulé ces questionnements selon une approche scientifique. À défaut, il sera condamné à recommencer éternellement son labeur. Creuser ces questions et expérimenter doivent permettre de forger les outils de théorie qui en retour serviront la discipline, pour fertiliser la pratique et faire projet bien au-delà.
Le défi environnemental et sociétal du 3e millénaire nous pousse à aborder autrement l’architecture et son rapport au temps. Autour des questions patrimoniales relatives à l’architecture, à la ville et au paysage, l’ « art de la transformation » interroge les liens entre création architecturale contemporaine et intervention monumentale, du Moyen-Âge jusqu’à nos jours. L’intervention sur des existants mobilise différentes échelles (ilot, édifice, pièce, ouvrage) et différents modes d’intervention (conservation, restauration, réhabilitation, réutilisation, reconversion, recyclage…). Il nécessite la mise en place de méthodes adaptées, comme l’approche graphique systématique par le code diachronique noir/rouge/jaune (existant/projeté/démoli) développé sur les projets complexes de la Monnaie de Paris, de la Cité des Électriciens ou de l’hôtel Richer.
Par ailleurs, la valeur mémorielle peut être interrogée en elle-même par un pur acte de création architecturale, comme au Mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette. Cet ouvrage sans antécédent est un acte de recherche en soi, résultat de nombreuses itérations entre architecture et ingénierie. Au-delà de la résolution technique et structurelle, ce monument interroge par sa forme même.
Dans sa catégorie définie par le Centre du patrimoine mondial comme « paysage culturel évolutif vivant », le Bassin minier est « l’œuvre combinée de l’Homme et de la nature » et sa trajectoire lui permet de concilier de manière transversale Les enjeux du développement durable et de la préservation du patrimoine. Depuis 2012, la prise en compte de L’inscription du Bassin minier du Nord-Pas de Calais sur la Liste du patrimoine mondial dans Les stratégies d’aménagement et de développement est en effet venue amplifier la trajectoire globale du Bassin minier vers sa transition environnementale, culturelle, économique et sociale, ce qui contribue fortement au rayonnement européen et international du territoire.
L’approche en trajectoire permet de tracer une dynamique de transition qui démarre par la question : d’où venons-nous ? Quelles sont nos ressources de départ ? De quel capital humain, urbain et social disposons nous ? Que nous apprennent les quartiers miniers, Leurs formes architecturales et urbanistiques. Leurs histoire ancienne et récente, marquée par des ruptures brutales économiques et sociales, à propos des enjeux contemporains liés à La transition ? Entre identité et stigmate, quel fossé entre Le regard porté sur les cités minières par les habitants et la perception de celui-ci par Les personnes extérieures ?
En 2019, la publication de l’ouvrage Par art et par nature, architectures de guerre, témoigne de la poursuite d’une recherche engagée il y a maintenant 30 ans sur la compréhension et la transformation de ce patrimoine, de la réhabilitation des citadelles Vauban de Belle-Île en Mer, de Lille ou d’Arras à la revalorisation du château de Caen.
Parce que l’architecture militaire pose toujours en préambule la question du territoire, parce que l’originalité de ses formes comme la beauté de ses plans proviennent de son adéquation aux innovations techniques et balistiques, parce que ni le style ni le goût d’une époque n’ont de prise sur elle, parce que l’économie de moyens comme celle des ressources naturelles est au coeur de sa conception et à la base de sa pérennité, elle demeure un sujet d’intérêt majeur dans notre monde contemporain.
À l’articulation entre ingénierie et architecture, ce travail mobilise au cours du développement des projets des dispositifs techniques innovants au service de l’architecture contemporaine. Cet axe porte entre autres sur l’utilisation de technologies de pointe comme le Béton Fibré à Ultra Haute Performance au mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette, ou encore au développement de solutions innovantes de verrières et de vitrages courbes à la Monnaie de Paris, à l’hôtel Richer ou au casino d’Évian.
En parallèle, les recherches portent aussi sur l’utilisation des ressources locales, des savoir-faire et des matériaux bio-sourcés, comme l’isolation en Métisse mise en oeuvre à la Cité des Électriciens, ou le béton de chanvre à l’hôtel de Fourcy.
Dans l’ordre d’apparition :
La cité des électriciens, croquis de Philippe Prost — Bassin minier, © Philippe Frutier — Mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette, © Howard Kingsnorth.